Le Rock'n Roll
Le Rock 'n' Roll (également écrit rock & roll, rock and roll) est un genre musical, ayant émergé aux États-Unis à la fin des années 1940 et au début des années 1950, découlant directement du rhythm and blues, musique populaire métissée, avec une part d'influence de la musique country, musique populaire rurale.
Outre l'industrie phonographique vinylique et la radio, une série de films assure la diffusion massive du phénomène au-delà des États-Unis. Cette série débute en 1954 avec Graine de violence : « mais surtout, l'événement historique du film, c'est la musique du générique : le fameux Rock Around the Clock, de Bill Haley. Le point de départ, l'année zéro de l'histoire du rock en deux minutes et huit secondes. La rupture (épistémologique diraient certains) est là. » À partir de cette date le simple mouvement de « roulis et de tangage » s'inscrit dans une histoire plus large, tout en persistant sous forme de revivals à travers le rockabilly ou le rock acrobatique par exemple.
L'une des caractéristiques de ce qui allait devenir une culture à part entière est l'expérimentation sonore, et la quête constante d'inventions soniques.
Approche sonore
Très vite le son caractéristique, du à un écho furtif principalement sur la voix ("one slapback") s'étoffe d'une légère saturation sur l'amplification des guitares "électriques", réverbérées. Ces artifices technologiques contribuent à rendre reconnaissable ce style musical dès les premières notes sortant des amplificateurs, plus rugueuses venues des instruments, et davantage exclamatives, interpellantes, pour un chant impétueux ; favorisant ainsi une diction plus en phase avec une jeunesse qui veut se faire entendre en tant que telle (cf. les baby boomers, qui aiment danser), puis si judicieuse pour qui s'évertuera à expliciter ses idéaux, voire ses protestations,
Même l'effet Larsen sera utilisé (surtout après les sixties) parcimonieusement mais délibérément. (Cf. Jimi Hendrix ex-parachutiste, imitant ostensiblement les bombes sur l'hymne national américain, Neil Young et ses chevaux de batailles... Etc.)
Une façon d'apostropher un rien véhémente dans un premier temps (cf. Depuis les Shadows jusqu'à Link Wray) ; et puis allant crescendo avec les nombreux successeurs (comme les Beatles, les Kinks, les Rolling Stones, ou The Who parmi les groupes qui ont largement promu ce son distordu) ; et qui deviendra tonitruante (musique surmodulée) avec l'arrivé du Hard Rock.
Origines du style
Le rock 'n' roll s'inspire d'abord du rhythm and blues, le rythme ternaire de celui-ci étant remplacé par un rythme binaire et un tempo plus soutenu. Il faut distinguer rhythm and blues et rock 'n' roll, même si la tâche paraît délicate de la fin des années 1940 à 1954.
Ce style est né de la fusion entre des dérivés du blues (parallèle au gospel), et de la country.
L'étiquette rock 'n' roll est utilisée, dans un premier temps, pour distinguer le rhythm and blues des Afro-Américains de celui des Blancs et ce pour des raisons liées à la politique raciale de l'époque. Il était inadmissible que des artistes blancs se retrouvent dans les mêmes bacs chez les disquaires que les Noirs. La communauté blanche, majoritaire, qui ne fréquente pas les night-clubs noirs, mais plutôt les petits bals champêtres, rejette ce style musical considéré comme barbare ("une musique de sauvages"), voire subversive.
On trouve les premières traces à la fin des années 1940, avant la sortie des fondamentaux Rock Around the Clock, et Blue Suede Shoes, dans la musique du jazz-man Louis Jordan, qui en jouait sans le savoir... (cf. Let The Good Times Roll etc.)
Origines de la phrase
En 1951, le disc jockey Alan Freed anime une émission de radio appelée Moondog's Rock And Roll Party. Il s'agit de la première diffusion du rock 'n' roll à une large audience. C'est lui qui donne son nom au rock 'n' roll en reprenant une expression que l'on retrouve depuis la fin des années 1920 dans certaines chansons de rhythm and blues ou de jazz et qui signifie littéralement en argot « danser », ou « faire l'amour ». (Traduction plus large, symbolique : Se tenir debout, et avancer...)
Alan Freed est le premier disc jockey blanc à soutenir avec force des artistes noirs jouant la « musique du diable ». La bonne société américaine en fera son « ennemi numéro 1 » et aura d'ailleurs sa peau en 1965.
Le terme « rockabilly » désigne la première forme historiquement identifiable de rock 'n' roll, il s’agit essentiellement du croisement de rhythm and blues et de musique country. Elvis Presley, Bill Haley et Carl Perkins sont trois précurseurs chez les chanteurs blancs. Elvis Presley représente l'artiste contesté qui fait de la musique de Noirs (style plus agressif et sensuel), considérée à l'époque comme diabolique pour le sérail blanc ("l'Establishment"). Il subit à plusieurs reprises la censure notamment au Ed Sullivan Show où on le filme au-dessus de la ceinture à cause de ses déhanchements. Presley, surnommé The King (« Le Roi » du rock 'n' roll), enregistre ce qui est probablement l'un des tout premiers morceaux de rockabilly avec That's All Right (Mama) en 1954. Il collectionne très rapidement les succès en 1956 (bénéficiant du relatif forfait de Carl Perkins, victime d'un accident de voiture qui l'empêchera durant plusieurs mois de promouvoir sa version originale du Blue Suede Shoes fondateur ; et de celui de Chuck Berry, qui a la réputation de trop parler sur scène entre les morceaux, (et d'être ainsi imprévisible pour le show-biz, en plus d'être foncé de peau...)
Fats Domino, Little Richard et Chuck Berry, musiciens noirs, sont alors les principaux piliers hyper-créatifs du rock' n' roll, mais c'est Bill Haley and His Comets qui signent en 1955 officiellement le premier numéro 1 du rock 'n' roll avec le titre Rock Around the Clock (reprise de Sonny Dae and His Knights, 1952), d'un style très simplifié et facilement assimilable pour la jeunesse, nouvelle classe sociale émergente dans l'après-guerre.
Ce premier tube de l'histoire du rock 'n' roll qui figure au générique du film Graine de violence est numéro 1 des hit-parades aux États-Unis (8 semaines) et au Royaume-Uni (3 semaines) en 1955. Quelques mois plus tard en 1956, Hound Dog (avec Don't Be Cruel en face B) de Presley le bat en vente de disques et en nombre de semaines (11) numéro 1 aux États-Unis, ce qui en fait la chanson de rock 'n' roll la plus populaire de tous les temps. Buddy Holly, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran et Gene Vincent s'engouffrent dans la brèche. Les musiciens noirs restent très actifs grâce à Chuck Berry et Bo Diddley tout particulièrement.
Sur son premier 45 tours, Little Richard signe quatre des plus grands standards du rock : Tutti Frutti, Long Tall Sally, Rip It Up et Ready Teddy. Ces artistes afro-américains influenceront définitivement l'univers du rock 'n' roll par leurs compositions mais aussi par leurs jeux de scènes révolutionnaires. Chuck Berry aura marqué le rock avec son titre Johnny B. Goode en 1957. Le titre est repris par plusieurs générations de rockers, d'Elvis Presley à AC/DC en passant par The Beatles. Son jeu de scène et ses pas de danses seront repris également par ses successeurs comme Angus Young. Les Rolling Stones s'inspireront largement de son style.
Le rock 'n' roll, ostensiblement rebelle et énergiquement indépendant, provoque un mouvement de rejet de la part de la bonne société américaine qui croit avoir triomphé de ce mouvement en 1959. On annonce alors la mort du rock 'n' roll et il est vrai qu’aux États-Unis, le mouvement semble s'essouffler. Les chanteurs sont désormais très consensuels et Elvis Presley est institutionnalisé, cantonné aux ballades et au Gospel, et semble-t-il plus intéressé par sa carrière au cinéma que par la musique. Le rock 'n' roll continue cependant de se développer sous des formes plus locales et confidentielles comme la surf music de la côte ouest ou le garage au nord. Vers la fin des années 1950, et le début des années 1960, on entend de plus en plus de titres de rock 'n' roll plus « sages », plus « doux » et qui vont engendrer la musique pop : The Everly Brothers : All I Have To Do Is Dream en 1958, le rock 'n' roll, Johnny Burnette : Dreamin et You're Sixteen en 1960 (composée par les Frères Sherman), Del Shannon : Runaway en 1961, Brian Hyland : Sealed with a Kiss en 1962, ou encore Lee Dorsey avec Ya Ya en 1962.
Le « pur » rock 'n' roll et rockabilly tend à disparaître, hormis quelques rares tubes comme (Oh!) Pretty Woman de Roy Orbison en 1964 et Wooly Bully de Sam the Sham and the Pharaohs en 1965. Les premiers émules d'Elvis Presley apparaissent, comme Cliff Richard, et de petites formations se multiplient pour les imiter. L'influence américaine de Chuck Berry est profonde. Au passage cependant, le rock 'n' roll s'acclimate et The Shadows, qui accompagnent Cliff Richard, initient l'archétype de la formation rock telle qu'elle sera reprise aussi bien en Europe que de l'autre côté de l'Atlantique : la contrebasse disparaît au profit de la guitare basse, deux guitaristes se répartissent les tâches de la rythmique pour le premier et des « chorus » pour le second. Les groupes britanniques s'éloignent ainsi rapidement de leur modèle américain pour créer une musique originale que les francophones appellent « rock britannique ».
The Beatles accentuent le travail sur la mélodie et les harmonies vocales et donnent naissance à la musique pop tandis que le mouvement du « British Blues Boom » retourne aux racines blues, privilégiant des rythmes syncopés et des sonorités plus agressives. The Rolling Stones émergent comme le fer de lance de ce rock britannique. Des branches parallèles se multiplient alors : des groupes tels que The Who, The Troggs, The Small Faces et The Kinks développent le mouvement mod, tandis que The Animals ou The Yardbirds créent un blues rock britannique. La richesse de la création britannique est florissante et impose définitivement au niveau mondial un genre musical qui devient emblématique de la seconde moitié du xxe siècle. Résultat obtenu après ce que les Américains désignèrent comme la "British Invasion", suite à la beatlemania et aux passages mouvementés chez eux des Rolling Stones et des Kinks - (qui firent d'ailleurs les frais d'une interdiction sur le sol américain organisée par des instances locales).
Le rock se ramifie alors presque à l'infini en explorant des niches apparemment improbables. Le jazz fusion naît de cette recherche entamée dès les années 1960.